mercredi 13 juin 2012
Robinsonnade III – Soi-même comme un spectre.
Chapter XI, p. 115: « Cela arriva un jour, aux alentours de midi: alors que je marchais vers mon bateau, je fus arrêté par la découverte la trace du pied nu d’un homme sur la plage. Je me figeai comme frappé de stupeur, ou comme si j’avais vu une apparition. Je tendis l’oreille, je regardai autour de moi, mais je n’entendais rien ni ne voyais rien; je descendis la plage puis la remontai, mais c’était tout un: je ne pus voir aucune autre empreinte que celle-là. Je revins la voir, m’assurer qu’elle n’était pas le fruit de mon imagination; mais il n’y avait pas place pour une telle supposition, car c’était précisément une trace de pas - avec des orteils, des talons, et tout ce qu’il faut à un pied.
Comment elle vint ici, je ne pouvais le savoir, ni même au moins l’imaginer, et c’est assailli de pensées innombrables que je retournai dans mes quartiers, sentant à peine le sol que je foulais, et terrifié au dernier degré. Je regardais derrière moi tous les deux ou trois pas, me méfiant de chaque buisson et de chaque arbre, et imaginais que chaque souche à quelques pas de moi était un homme. Il n’est pas possible non plus de décrire combien d’idées sauvages (wild) virent le jour dans mon imagination, et quelles étranges visions traversèrent mon esprit »
Puis peur de l’autre et de la dévoration (Robinson a déjà eu ce sentiment lors d’un tremblement de terre accompagné d’une tempête - peur que le sol s’ouvre et l’avale - ce sol qu’il « sent à peine sous ses pieds » quand il rentre à sa cabane après avoir vu la trace de pas).
« and by what secret different springs are the affections hurried about » (et par quels différents « springs » secrets les affections/passions sont pressées) - il emploie souvent ce mot « springs » - traduction exacte, traductions possibles? Ici, certainement « sources » ou « ressorts ». C’est aussi le bond, le saut, le printemps, ou l’élasticité.
Si c’est source: référence biblique assez évidente.
Si c’est ressort: c’est peut-être neutre comme de dire que c’est « du ressort de quelqu’un », ou alors renvoie au ressort comme mécanique. L’idée de la machine est intéressante au regard des clones de Goldbach. Machine, ou tout au moins pantin, qui ne maîtrise pas ses gestes (on verra plus tard comment cette maîtrise prend sens)
Lui-même relève cette contradiction: sa réaction est la peur face à tout ce qu’il a espéré (n'être plus seul) - peur que son désir soit assouvi?
« Au milieu de ces craintes et de ces réflexions, la pensée un jour m’apparut que tout ceci pouvait être pur fruit de mon imagination, et que cette trace pouvait être aussi bien l’empreinte de mon propre pied, laissée sur la plage en descendant de mon canoë; cela me rassura un peu, et j’en vins à me persuader que tout cela avait été une illusion, et rien d’autre que mon propre pied (…) M’encourageant ainsi, pour sortir chercher de quoi manger, avec la croyance que ce n’était rien que la trace de mon propre pied, et que j’avais été pour tout dire simplement effrayé par mon ombre (…) mais pour montrer la terreur qui était la mienne quand je me déplaçais, les coups d’oeil apeurés que je lançais si souvent derrière moi, et combien j’étais prêt à tout instant à laisser mon panier pour m’enfuir et sauver ma peau, n’importe qui aurait pensé de moi que j’étais possédé par une conscience diabolique (haunted with an evil conscience) »
Haunted with an evil conscience, traduire: possédé. Envoûté.
Effrayé par son ombre - revenir sur les rapports de l’ombre et du double?
Plus tard, il a beau ne rien voir d’autre, il garde toujours une sorte d’appréhension > à mettre en rapport avec la question chez Blanchot (Entretien infini): cela n’a pas le même sens d'affirmer « Le ciel est bleu » et de mettre en question et répondre « Le ciel est-il bleu? Oui ».
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