samedi 9 juin 2012

Robinsonnade I : Le territoire interdit.


Avec ce premier texte, Gaëtan Didelot ouvre une série d'hypothèses de lecture d'Un territoire sans carte, troisième et dernier mouvement de l'exposition Les Nouveaux Mondes et les Anciens à l'Espace Khiasma. Manière aussi de développer ce que ce cycle de films propose, une méthode pour appréhender ces empires intérieurs qui tapissent le psychisme de l'Occident en crise.

TEN de Niklas Goldbach / Courtesy Galerie Bendana Pinel - Paris

Un territoire sans carte.
De l'ensemble des films montrés, autant de territoires se déploient, et chacun renvoie à la pratique cartographique, soit pour se la réapproprier, soit pour la radicaliser, soit pour la nier... Autant de territoires déployés, et qui, dans les torsions et les violences qu'ils font subir à la pratique cartographique, semblent (s')interdire un territoire commun – le territoire échappe, le sol semble se dérober sous nos pieds…
On aborderait un territoire interdit, ou un territoire dont on inventerait à chaque nouveau pas le terrain, laissant libre cours aux associations qui nous viennent à l’esprit.
Associations, dérives et divagations.

Qui dit interdit, dit entre les lignes - inter-dit. Un territoire qui serait à trouver, et à explorer, entre les lignes...

Le territoire interdit, où toute différence singulière est annihilée, celui de TEN, territoire terriblement manichéen, peuplé de clones, où il n'y a plus de couleurs, que le blanc et son antipode, le noir. Toute différence y est interdite, exclue.
Comment en arrive-t-on à cette exclusion? Quelle force, ou logique sous-tend cette exclusion? Et si l’on revenait, comme semble le suggérer Un Archipel, à Robinson? Revenir à Robinson pour retrouver ce rapport adamique, virginal, au territoire. Peut-être avec tous les écueils que cela doit impliquer - virginité, pureté…

Et sans doute la réponse se trouve quelque part dans la Nouvelle Kahnawaké, ou plutôt, dans le rapport à l’Indien ou à l’Autochtone. Et plus qu’à Robinson, il faut s’intéresser à Vendredi - et avant Vendredi, ce moment où Robinson croise une trace de pas, qui fait basculer son monde - est-ce la sienne ou non? Le spectre de l’autre interroge le même - soi-même comme un autre.
Devient, avec Vendredi, l’autre comme soi-même. Le semblable. Le prochain.
Garder en tête qu’il y a plusieurs types de Robinsons. Plusieurs Robinsons, qui sont peut-être alors, au regard de Robinson Crusöe, de son point de vue, autant de Vendredis engagés dans des robinsonnades. A arpenter ce(s) territoire(s) inconnu(s) qu'est le territoire interdit, c'est-à-dire suivre des pistes, sans savoir où elles mènent, sans savoir si l'on n'en croisera pas d'autres...
Il nous faut être Vendredi. Il nous faut nous engager dans des robinsonnades.

Gaëtan Didelot

Un territoire sans carte, jusqu'au 16 juin à l'Espace Khiasma
Avec des oeuvres de Marie Bouts & Till Roeskens (Un Archipel), Neil Beloufa (Kempinski), Niklas Goldbach (TEN), Patrick Bernier & Olive Martin (La Nouvelle Kahnawaké)






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