mercredi 13 mars 2013

Notes sur la scriptologie, par Morad Montazami

Autour de la prochaine Séance Phantom à Khiasma prévue dans le cadre du festival Cinéma du Réel, mardi 26 mars 2013 à 20h30, qui verra projeté The Radiant de the Otolith Group, nous reproduisons ici un texte de Morad Montazami, paru dans le Journal de Bétonsalon n°11 (06/2011-07/2011).
Nous remercions l'auteur de nous avoir autorisé cette publication sur notre blog.

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Notes sur la scriptologie
par Morad Montazami


Hypothèses de départ :
Malgré les apparences, Otolith Group ne réalise pas vraiment des films. Ce sont plutôt des programmes au double sens politique et informatique de ce mot. Politique, non pas qu’ils oeuvrent en faveur d’une idéologie ou cherchent à convaincre, mais plutôt, que les « opérations » liées et séparées du dire et du montrer, du lire et du monter, nous invitent à les repenser comme telles. C’est-à-dire sous-tendues pas des politiques de la voix (qui parle ?), de la figure (qui voit-on ?), du cadre (quelles sont nos limites ?), du rythme (comment se déplace-t-on ?). Informatique, non pas que ces opérations soient régies par l’autonomie d’une pure et simple machine, mais plutôt, qu’elles organisent le traitement d’un savoir (in)connu et stocké (voire mort) en vue de ses propres mises à jour et détournements. Ainsi aux opérations précédentes, il convient d’ajouter celles du souvenir et de la promesse, ou le « tic-tac » de l’aiguille oscillante sur le tableau de bord de l’histoire. Il en ressort, sinon de purs films, des films-en-puissance ou des films-diagrammes : où l’on trace, transcrit, arpente et invente en même temps. Comment interpréter ce voyage sans fin (Mumbai, Londres, Moscou, la Voie lactée…) où chacune des escales nous inspire à la fois de commencer l’écriture d’un livre et de rechercher tous les livres qui auraient bien pu s’écrire si leur auteur s’était arrêté là ? Peut-on concevoir une science qui prendrait en charge autant les manières de prédire, de projeter, d’imaginer que celles d’archiver, de relire et de relier, une science qui transforme les textes en images du futur et les images en textes du passé ? Se définissant aux marges de tous les mediums – cinéma, littérature, théâtre, dessin, poésie – dont elle génère plutôt les passages intermédiaux, elle prendrait alors le script comme système complexe de ses questionnements et de ses expérimentations. Cette science s’appellerait la « scriptologie ». [1]



Notes continues :
Non seulement Otolith III n’est pas un film mais il est au moins 99 films à la fois. Traversé par un cyclone de sources hétérogènes (images d’archives, prises de vue, documents, actualités, etc.) dont il se fait le vortex, il n’en rejette jamais les bribes résiduelles dans les listes noires de l’histoire du cinéma. Il cherche plutôt à se régénérer dans ces listes mêmes où il exhume des figures et des thèmes en exil. Il y a les bruits de tambours et de cloches, dévalant sur les images, réfractés en écho depuis ceux que donnait à entendre Chris Marker dans les voyages de Sans Soleil (1983) au Cap-Vert et à Tokyo. Des bruits « exilés » dans Otolith III qui à leur tour réfractent l’écho mais non en sens inverse. La scriptologie s’occupe moins de citations et d’intertextualité que d’échos et d’acoustique. Elle ne considère pas le bruit comme un excédant du contenu informationnel (ou de la musique) mais comme l’espace potentiel d’une trajectoire pour ces figures rebondissant d’exil en exil. Les tambours et les cloches préfèrent donc s’exiler à nouveau, ailleurs, en Inde. Le voyage continue : la scriptologie ne vise pas à se replonger dans l’histoire du cinéma pour recommencer les choses selon la même idée, le cinéma n’est qu’une des destinations où elle cherche les formes archéo-motrices (une ligne traçant sur papier ou frémissante dans une tasse de café) qui donnent naissance aux idées avant leur matérialisation en objet (« premake »). Ce qui intéresse les scriptologues en filmant un plateau de tournage (Otolith II), ce n’est pas de saisir et montrer les « trucs » du cinéma, par lesquels se révèle sa nature artificielle de spectacle ou de compromis avec la réalité. C’est bien plus de montrer des objets prendre vie au contact des corps fascinés par leur pouvoir d’attraction et qui coexistent avec ces corps dans un espace-temps nécessairement futuriste où les frontières de l’humain et du non-humain, du spirituel et du rationnel, sont radicalement déjouées.

« Call it a premake », précise la voix-off en parlant de Otolith III qui ne se veut ni un film sur, ni d’après le cinéaste indien Satyajit Ray (comme le fit Shyam Benegal en 1984 avec Satyajit Ray, the Filmmaker qui entre aussi dans le vortex). Les quatorze films réalisés de Satyajit Ray cités dans le générique de fin et utilisés à titre d’archives durant ces 49 minutes servent une scriptologie qui arpente ici son film non réalisé (ou virtuel), The Alien. Film qui aurait dû commencer avec l’atterrissage d’un vaisseau spatial au Bengale et mettre en scène cinq personnages : le réalisateur, l’ingénieur, l’industriel, le journaliste et le garçon. Voici alors que ces êtres de papier ressuscitent dans Otolith III, comme des scénarii somnambuliques prêtant à différentes voix narratives qui enquêtent sur leur réincarnation possible aujourd’hui dans les rues de Londres. On repense à Pasolini aux abords du Gange, braquant sa caméra flâneuse sur les visages possibles de sa propre immersion, pour ses « carnets de notes » sur « un film sur un film sur l’Inde [2] » (un film à la fois existant et à venir). Les ventriloques d’Otolith III ont un pouvoir momentané de voix ou de mort sur leurs spectres : le réalisateur demande au garçon : « Comment m’as-tu retrouvé ? Tu n’existes même pas », et celui-ci de répondre « je voudrais plus de vie Père » [3]. Les scriptologues ne s’intéressent pas aux rôles des acteurs, ils arpentent les oeuvres d’autres auteurs pour réveiller les spectres qu’ils ont imaginés et ainsi les amener à danser sur d’autres pistes. Mais surtout pour disséquer les spectres eux-mêmes, loin de toute identité ou culture, toucher la multiplicité qui les hante – un spectre est habité par d’autres spectres – l’hybridité qui les fait vibrer – et ce avec d’autant plus de succès qu’ils sont restés chez ces auteurs à l’état de gestation : films non réalisés, document non archivés, voix non enregistrées… et si Eisenstein avait tourné son projet de film prenant Le Capital de Marx comme script d’une « méthode », non « pas tant [pour] divulguer un corpus des idées de Marx qu’aider le spectateur à devenir marxiste » [4] ? Et si Sergueï Paradjanov n’avait pas été censuré et avait réalisé la scène du script Les Fresques de Kiev, où « la femme s’assoit sous L’Infante Marguerite [de Velasquez] et cache son visage derrière sa main » [5] ? Et si nous nous mettions à réaliser des OEuvres consignées dans l’ouvrage éponyme de l’écrivain-photographe Édouard Levé [6] » ?

Mais encore autant de scripts derrière des oeuvres non publiées voire non légendées. Ainsi des dessins de Jack Kirby réalisés en 1978 pour l’adaptation cinématographique non réalisée de Lord of Light publié par l’auteur de science-fiction Roger Zelazny en 1967. Notons également que les dessins de Vidya Sagar ne comportaient pas de titre avant qu’Otolith Group ne les re-date et ne les renomme pour leur exposition en 2011. À peine croirait-on à la présence d’un auteur ou d’un narrateur, l’ombre d’un autre surgit par-dessous. Par ailleurs The Secret King in the Empire of Thinking (pièce sonore de l’exposition), qui décrit ces dessins méconnus de Jack Kirby, montre que les scriptologues ne lisent pas l’avenir dans les entrailles du passé mais relisent le passé au futur. La scriptologie ne s’intéresse donc pas aux oeuvres selon des critères de paternité et d’autorité, elle est une science des constellations possibles entre passé et présent, selon des critères de réexposition, de réalisation et de réactualisation historiques. Elle navigue entre les eaux dormantes de l’inachevé et les sables mouvants de l’inédit. La science-fiction n’est pas pour elle un répertoire de mondes oniriques et immémoriaux mais un rapport au temps de l’ordre de l’invention, à travers des objets-projets à défaire et à refaire successivement : « combien de Chandigarh rêvés n’auront jamais été construits ? », demande la narratrice par opposition au Chandigarh de Le Corbusier [7]. Ou comment trouver les passages entre l’architecture réelle, l’architecture-maquette, l’architecture-plan et l’architecture-fiction (Otolith II). La gravité s’épuisant peu à peu et passant même par la gravité zéro du cosmos, on touche à l’architecture du temps et des événements eux-mêmes : la rencontre à Moscou en 1973 entre Valentina Terechkova, première femme cosmonaute, membre du parti communiste, et Anasuya Gyan-Chand, présidente de la Fédération nationale des femmes indiennes (Otolith I). Les scriptologues ne se contentent pas d’exhumer les oeuvres non produites mais ils produisent eux-mêmes d’autres oeuvres non produites (à faire) ; qu’elles soient architecturales ou romanesques elles sont donc toujours politiques. Dès lors le processus à l’oeuvre ne se résume pas au principe constructiviste de montage comme collage des hétérogènes, célébration de l’écart et de la discontinuité.

Si la scriptologie reste malgré tout une science des intervalles, ils accueillent d’abord les phénomènes d’écriture hiéroglyphique ou chimérique : un masque démoniaque tiré du théâtre Nô japonais et une sculpture d’éléphant hindoue, tous deux consubstantiels dans leur fonction de repose-pieds (ceux du réalisateur-spectre de Otolith III) sont soumis à transsubstantiation, l’un dans l’autre – entre le masque et l’éléphant s’opère un « calcul » entre des chiffres contenant chacun leur promesse destinée au même futur. Au lieu d’une calculatrice, c’est le vortex où Otolith Group inscrit ses concepts-chimères. Comme sur la peau de bison des indiens d’Amérique du Nord, inspirant Eisenstein pour son « principe dynamique » de montage, lorsqu’il voit les récits pictographiques qui s’y inscrivent en spirale. Les scriptologues écrivent donc en spirale pour ne pas écrire de manière linéaire, brisant l’écriture alphabétique dont l’Occident s’est prévalu, pour « laisser la porte ouverte à toutes les philosophies possibles » [8] et « de sorte que la matière des différents chapitres s’offre simultanément sous toutes ses incidences » [9]. Par conséquent chaque éclat de verre qui jaillit du vortex – un visage actuel (de chair) se brise sur un visage virtuel (de cire), un lieu sans figure (bureau vide) sur une figure sans lieu (un masque) – retrouve un autre éclat qui lui fait écho, avant de s’en défaire et de s’exiler pour chercher d’autres harmonies avec d’autres éclats. Les scriptologues pourraient s’entendre ainsi avec Mallarmé pour qui « l’avenir […] n’est jamais que l’éclat de ce qui eût dû se produire antérieurement ou près de l’origine » [10]. Si nous revoyons à présent Sans Soleil que s’est-il passé ? Quelle acoustique des formes fait glisser dans le geste des chatons de porcelaine et à la patte levée (filmé par Chris Marker) celui des poupées divines indoues exhibant leur paume de main (filmé par Otolith Group) ? Les scriptologues savent bien qu’il ne s’agit pas d’en référer à une origine fixe mais plutôt de déborder largement le point de départ comme le point d’arrivée. En ce sens, Chris Marker et Otolith Group sont comme deux escales de ce long voyage sur les ruines du film documentaire, en direction du film d’anticipation, mais sans jamais s’y arrêter vraiment.

Le script est à la fois un texte de droit – certains y questionnent l’authenticité des intentions de l’auteur – et un texte de joie – d’autres y questionnent le gai savoir des oeuvres fétiches à leur état prénatal. Croire à notre pouvoir de l’effacer ou le surpasser est un leurre, le script nous surprend de sa pré-imminence. Il est toujours à deux doigts de se réaliser, c’est-à-dire qu’il est un roman/essai-en-puissance – plus exactement un film pensable sur un roman laissé à l’état de notes – et non plus un simple prétexte à tournage. Mais cette imminence de la forme marche à contretemps sur des lapses de temps spiralés. En ce sens, réécrire le script n’a aucun sens, et lorsque nous nous y égarons (dans ses spirales) c’est pour mieux cacher la main du script elle-même qui nous guide dans cette réécriture. Nous croyons en déplacer les zones, en dévier les routes, mais en réalité elles ne font que se ré-agencer d’elles-mêmes, telles des forces occultes [11]. Le script est peut-être écrit mais il n’est pas figé. C’est le tissu palpable d’une image à-venir ou d’un micro-instant arrêté dans l’ondoiement de toutes ses figures-fibres. Lorsque l’on dit d’un roman qu’il est « adapté » au cinéma, on se tromperait de croire que l’opération consiste à transformer le dit roman en un script (puis en un film). En réalité on devrait mieux dire qu’il a été « atomisé » dès lors que ce film n’est que l’étoilement de toutes les voies/voix scriptologiques contenues dans ce roman.

Comme toute science impure la scriptologie a plusieurs visages. Les scriptologues sont à la fois essayistes, astronomes, archivistes, griots, traducteurs, cartographes et joueurs d’échec. Ils sont aussi comme ce passager du métro qui, tombé dans les limbes du sommeil et son tunnel noir, se réveille à une autre station que sa destination. Il (ou elle) voudrait bien que l’automatisme de la machine le ramène à bon port mais il est déjà trop tard pour éviter le royaume du futur antérieur, temps de prédilection des scriptologues. C’est-à-dire entre le futur et l’avant-futur. Mais avant qu’il ait pu se répéter, « lorsque je serai arrivé à ma station je me réveillerai », le trajet qui se présente maintenant à lui est celui d’une mission déjà accomplie, un pays déjà visité. Il invente alors les façons de revenir, bien qu’il n’y ait désormais, sous ses pas, plus que les terres de l’avenir.
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NOTES

[1] NDR : Toute ressemblance avec une science existante qui aurait pour objet l’étude orthographique et graphologique des langues anciennes ne saurait être que fortuite.

[2] Pier Paolo Pasolini, Appunti per un film sull’India, 1968, 34 min.

[3] « How did you find me, you don’t even exist » […] I want more life Father », voir « Otolith III. Voiceover script », in Otolith Group, A Long Time Between Suns, Berlin-New York, Sternberg Press, 2010, p. 63. Précisons ici que les trois « films » d’Otolith Group apparaissent entièrement à l’état de « script pour voix-off » dans ledit ouvrage.

[4] Sergueï Eisenstein, « Un film sur Le Capital », in Barthélémy Amengual, Que Viva Eisenstein, Lausanne, L’âge d’homme, 1980, p. 585. En bon scriptologue Eisenstein remarque aussi « C’est James Joyce qui a développé en littérature la ligne descriptive (figurative) du hiéroglyphe japonais », infra, p. 590.

[5] Sergueï Paradjanov, Sept visions, Paris, Seuil, 1992, p. 45 [scenarii de six films non réalisés et scénario original de Sayat-Nova].

[6] Edouard Levé, OEuvres, Paris, POL, 2002 [énumération et description de 533 oeuvres « dont l’auteur a eu l’idée mais qu’il n’a pas réalisées »].

[7] « How many wish Chandigarh had never been built ? », voir « Otolith II. Voiceover script », ., p. 32.

[8] « Les possibilité du cinéma tiennent à sa capacité de rassembler des documents, de laisser la porte ouverte à toutes les philosophies possibles, de donner des illustrations de la vie, tout au long de la sombre destinée d’un représentant jadis intéressant du fantastique […], d’un chanteur connu dont le jeu vous donne envie de l’entendre chanter sur scène. » Bertold Brecht, « Moins d’assurance ! », in Sur le cinéma, Paris, L’arche, 1970 [« date probable » : 1926]

[9] « […] il est certain que si quelque procédé permettait de présenter les livres de telle sorte que la matière des différents chapitres s’offre simultanément sous toutes ses incidences, les auteurs et leurs usagers y trouveraient un avantage considérable » Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Minuit, 1967, p. 130 [note 35]. Réfléchissant encore à la différence entre écriture phonétique/alphabétique et écriture idéogrammatique, Derrida note que « l’écriture […] est à la parole ce que la Chine est à l’Europe », infra, p. 41.

[10] Tiré de la note méthodologique de 1895, voir Stéphane Mallarmé, OEuvres complètes, rubrique Proses diverses, Paris, Gallimard (coll. Pléiade), 1989, p. 854-856. On ne manquera pas de remarquer le curieux usage de cette citation chez Julia Kristeva, Sèméiotikè. Recherches pour une sémanalyse, Paris, Seuil, 1969, p. 170, où Mallarmé n’y parle plus de l’« avenir » mais de la « littérature » en général. Ou comment distinguer usage scriptologique et falsification.

[11] « Et si l’échec du film n’avait rien à voir avec les efforts du réalisateur ? Et si il y avait d’autres forces qui empêcheraient la réalisation du film ? »/« What if the failure of the film had nothing to do with the efforts of the director ? What if they were other forces preventing the realization of the film ? », demande la voix de l’industriel, voir « Otolith III. Voiceover script », op. cit., p. 58.

mardi 5 mars 2013

Mandrake a disparu : l’illusion révélée

© Maïder Fortuné

Comme chez Claire Malrieux, il s’agit de voir ce qui n’est pas là, manière pour les artistes de parler autant des processus magiques qu’ils convoquent que de donner corps à un possible programme utopique.

Après « ma plaque sensible », l’exposition monographique de Simon Quéheillard présentée à Khiasma du 21 septembre au 17 novembre 2012, « Mandrake a disparu » poursuit une réflexion sur le régime d’apparition des images. Cette nouvelle exposition aborde le dispositif d’illusionnisme comme un système basé sur la croyance, la fabrication d’un moment collectif où le spectateur s’engage à voir et active ainsi l’apparition, de concert avec un artiste devenu opérateur-magicien. Chaque œuvre propose ainsi une expérience particulière du visible qui sollicite celui qui regarde dans sa capacité à faire exister des images. Badr El Hammami comme Alexander Schellow et Maïder Fortuné s’intéressent à la rémanence et à la dynamique de recomposition de la mémoire proposant de travailler l’idée même de projection qui place la question de l’apparition des images au cœur d’un jeu spéculatif, entre perception et connaissance. Leurs œuvres questionnent ici autant les dispositifs techniques de formation - de révélation - des images, que la capacité du public à les recevoir, les recomposer, les produire. Comme chez Claire Malrieux, il s’agit de voir ce qui n’est pas là, manière pour les artistes de parler autant des processus magiques qu’ils convoquent que de donner corps à un possible programme utopique.

Mais la magie et les illusions ainsi convoquées ne sont pas ici le fait d’un pouvoir particulier. Elles relèvent plus particulièrement d’un contexte de réception façonné par les œuvres, qu’il s’agisse d’invitations à s’installer dans une temporalité - Ismaïl Bahri, Badr El Hammami - à trouver une place, une distance particulières - Maïder Fortuné, Alexander Schellow -, ou à se plonger dans un faisceau de récits qui sans cesse déplace ce que nous voyons - Claire Malrieux, Julien Prévieux.

Alors que le travail de Julien Prévieux avec la BAC du 14ème arrondissement agit à rebours des autres œuvres de l’exposition pour déconstruire l’opacité d’un outil de simulation, il nous conduit au même endroit ; celui d’un enchantement qui n’est plus de l’ordre de la dissimulation mais de la possibilité de produire un espace de connivence qui permette à une image d’exister par delà son illusion révélée.

samedi 2 mars 2013

Ismaïl Bahri, dans le détail

Avant le Lundi de Phantom n°3 du 4 mars 2013 à Khiasma, où il présentera sa démarche sous la forme d'un dialogue avec Marie Doyon en ouverture de sa résidence de création, Ismaïl Bahri nous donne des clefs de lecture de son œuvre dans un entretien vidéo ponctué d'extraits de travaux récents.