jeudi 3 juin 2010

Emilie Notéris - Les Locavores : Rencontre avec Nathalie Blanc


photos © 1 Matthieu Gauchet - 2 Émilie Notéris

Voir ici une vidéo de l'intervention de Nathalie Blanc.

Avec Locavores, Emilie Notéris propose un format original de résidence qui mêle une recherche en littérature contemporaine et mais aussi des invitations éclairantes et prospectives sur l'alimentation au XXIème siècle. Pour ouvrir ce cycle de rencontres publiques, l'écrivaine a choisi d'inviter Nathalie Blanc à intervenir sur le sujet de l'écologie urbaine. La prise de parole fluide de cette chercheuse au CNRS, spécialiste de géographie urbaine, a permis de saisir la complexité et les enjeux de la notion de « nature en ville », en balayant au passage certaines idées reçues.

Quand on évoque la nature urbaine, on pense immédiatement au « vert », aux pelouses bien taillées, aux arbres alignés au bord des rues et accessoirement aux savantes compositions à base de géranium. Or le rat et le cafard sont de la « nature », au même titre que le parc dans lequel s'égaie les petits citadins. Nathalie Blanc distingue la nature sauvage (les cafards et autres nuisibles), souvent considérée comme indésirable ; la nature socialisée (les espaces verts), et la nature produite, désirée, qu'elle relie plus volontiers au thème des Locavores : c'est-à-dire à un geste de relocalisation des cultures vivrières au coeur des villes, des potagers jusqu'aux toits des immeubles les plus inaccessibles.
Repenser la nature en ville, c'est interroger les représentations communes, avec une approche nécessairement pluridisciplinaire, nous dit Nathalie Blanc. A l'aide d'entretiens, elle ne cesse d'identifier de saisissants décalages entre les représentations, les pratiques et les faits. Si vous souhaitez vous préserver de la pollution de l'air, paradoxalement, ouvrez les fenêtres de vos voitures, et ne cherchez pas à faire de votre jardinet un Eden en puissance, meilleur moyen de capter la pollution urbaine...


photo © Matthieu Gauchet

La chercheuse a insisté en dernier lieu sur le caractère politique de la pensée écologique : s'attacher à produire du durable, c’est tenter de préserver des qualités environnementales nécessaires au vivre ensemble. Mais l'implantation et la répartition de la « verdure » en ville, la sélection des espèces selon des critères parfois arbitraires sont des choix éminemment politiques. Comme le montrent les cultural studies aux Etats-Unis, les inégalités écologiques recoupent souvent les inégalités sociales et l'aménagement végétal de la ville accompagne un processus indéniable de « gentrification » qui pose la question d'une nouvelle fracture spatiale.
S'intéressant au processus démocratiques à l'oeuvre dans la reconfiguration de la ville à l'heure écologique, Nathalie Blanc se saisit de situations exemplaires : d'un côté la construction de l’écoquartier des Batignolles, résultat d'une décision unilatérale des responsables politiques (top → down) et de l'autre les cas de quartiers verts à Arnhem (Pays-Bas) ou à Fribourg (Allemagne), fruits d'une mobilisation des habitants et d'une validation a posteriori par les politique. On le comprend bien, l'approche de la chercheuse relie la problématique écologique urbaine avec la nécessaire refondation d'outils politiques, qu'il s'agisse d'une pratique citoyenne élargie ou de réformes comme celle de la propriété foncière.
D'écologie politique, nous en parlerons la semaine suivante avec Jean Zin et Frédéric Neyrat.

En deuxième partie de soirée, Emilie Notéris a présenté en image différents projets architecturaux et technologiques liés au mouvement locavoriste. Ils valorisent une approche fonctionnelle, technologique et individuelle de l'alimentation prise dans une logique de subsistance. Même s'ils partagent avec les AMAP et les initiatives analogues une volonté de relocalisation de l’économie, ce sont deux schémas sociétaux qui s'opposent : d'un côté les AMAP, basées sur le lien social, l'organisation collective et le maintien d'une certaine tradition agricole « de terroir », de l'autre une vision plus technologique, hors sol (fermes urbaines, unités de culture domestique) qui semblent épouser une vision individualiste de la société.
Ces innovations technologiques, qui nous rapprochent de la science-fiction, anticipent une disparition annoncée des paysans et dessinent un monde où chacun est auto-suffisant, au risque d'entériner les plus radicales des conceptions libérales du monde à venir, au grand dam de certains des participants.
Emilie Notéris replace ces projets dans un contexte plus large, à la fois lié à la philosophie (notamment les écrits de Frédéric Neyrat) mais aussi à la littérature d'anticipation avec comme figure de proue J.G Ballard > lire ici l'entretien avec Emilie Notéris.

Voir ici une vidéo de l'intervention de Nathalie Blanc.

2 commentaires:

  1. Une exposition intéressante en ce moment au théâtre de la Cité internationale - paris - "Zone botanique temporaire"; la regarder à l'aune de vos réflexions apporte de nouveaux questionnements...

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  2. Nous irons la voir bientôt et en parlerons sur ce blog. C'est promis.

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