mardi 22 juin 2010

Check Poto ! (suite)




Le 12 Mars dernier, nous projetions à l'espace Khiasma Check Poto !, le premier film de Julia Varga, réalisé en résidence aux Laboratoires d'Aubervilliers.

Après un parcours de plasticienne, Julia Varga investissait avec ce film le champ du documentaire avec une plongée au cœur d'un lieu d'écoute et de soin réservé aux jeunes de 11 à 17 ans à Aubervilliers. De cette année passée à poser en silence sa caméra dans l'intimité des adolescents, elle tirait un portrait aussi touchant que cinglant sur une jeunesse à la dérive, fragile et lucide à la fois. Le ton est direct, la parole tantôt crue, tantôt faussement détachée, les mots et les regards fuient. Ça parle toute le temps mais pas toujours de quelque chose. Il faut guetter pour entendre l'aveu, pister une histoire décousue. La réalisatrice laisse le temps au récit d'apparaître ou à l'altercation de dénouer sa trame. Ça dure le temps d'une séance de vernis à ongle voire plus. Ça finit par une porte claquer ou par une chanson.
Les adultes, eux, sont le plus souvent hors-champs, ce qui confère à ce film sa puissance singulière ; celui de la jeunesse comme corps qui envahit le cadre, existe le temps d'une confession, d'une nuit à rattraper sur une banquette, d'un mauvais jeu qui finit par des insultes. Le cadre est restreint, une pièce, des chaises, invariable, mais très vite on oublie l'espace tant se projettent en filigrane toute la société, les familles et leur absence, l'école, la pauvreté mais aussi l'espoir d'une vie meilleure qui éclaire un visage ici ou crispe une mâchoire là.




Invité à intervenir auprès de la classe de M.Tiano au lycée Jean Renoir de Bondy, j'ai invité à mon tour ces élèves de première à découvrir le film lors de sa projection à Khiasma. Nous devions parler en classe de la place de la langue dans la construction sociale, entre stigmatisation, lien communautaire et domination symbolique. Check Poto !, avec ces jeunes au Français découpé à la hache, à l'accent d'un terroir inconnu, fut une parfaite introduction pour un débat vif dans la classe avec Julia Varga, quelques semaines après la projection.
Ces lycéens de Seine-Saint-Denis qui font des études portaient un regard contradictoire sur les autres, "les jeunes des quartiers", ceux qui parlent mal, qui quittent l'école tôt, "qui ne veulent pas faire d'effort". Apparaissait la complexité de l'identité banlieusarde dans des échanges sans concession sur le film, réaliste pour certains, caricatural pour d'autres.

Certains d'entre eux on écrit sur le blog de la classe : vous pouvez les lire ici
Un entretien avec Julia Varga est visible ici

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