mardi 12 avril 2011

ÉPOUSER STEPHEN KING 7

Tu cherches le rideau avec la main. Je me souviens qu'au fond de cette pièce se trouve un bois d'érables. Que la couleur des arbres à l'automne se marie bien avec les fauteuils en cuir marron. C'est un monde différent. Un garçon de 9 ans traverse la rue. Les façades sont brillantes de verre fumé. Et le fantasme de rentrer chez les gens est mort. Les phrases sont plus longues. On pourrait presque parler de la générosité du texte. Ces grandes phrases enveloppantes comme des maisons de campagne. Des larges phrases à carreaux de pure laine rangées en rouleaux. On est dedans de toute façon. Sur la table noire de la cuisine le journal est ouvert. Je lis en épluchant les carottes. La betterave crue. Le panais. Les pommes de terre. Un zeste de nostalgie. La radio est allumée. Une vague bleu marine est en train de se profiler à l'horizon. Marine Le Pen cherche dans le tiroir de droite son maillot de bain. Le four chauffe. Le frigidaire vibre. Frissonne. Olivia Newton John entre dans le texte sans laisser de traces de pas. Juste des Points. Des noms. Des détails. Une paire de socquettes blanches. Des citations. De la matière fraîche. Qu'est-ce qu'elle fait là? Ça sent la basket. C'est quelqu'un qu'on a réussi à oublier. Grease. Un pur rêve devant la fenêtre protégée par les barreaux en crochet. La maladie d'Alzheimer. Ça tache les doigts. C'est Bouddha. C'est le Christ. C'est un garçon de 11 ans qui remonte la rue Candale à Pantin. Il est en plein Bakounine. Grand. Fort. Courageux. Et ces cheveux frisés. La chemise à carreaux obligatoire le précède. Turquoise. Souriante. J'oublie son prénom parce que je suis éprise du mur de cette maison. Rouge rouille. Il dit : Dans une aussi belle maison il ne peut habiter que quelqu'un de mauvais. Je dis : Mauvais comment? Il dit : Mauvais comme mon prof d'anglais. Les bons habitent autrement. Des petites chambres. Où la lumière zénithale est hors de question. Le rebord de fenêtre pour poser les baskets. Personne n'est à la maison sur le coup de midi de toute façon. D'ailleurs la voisine profite de la journée pour pleurer. On rajoute une cloison pour ne pas l'entendre. Une femme dans chaque chambre à chaque étage. L'odeur de café. Personne. Barbara Manzetti

Epouser Stephen King / activations du 5 au 10 avil à Khiasma (festival Relectures XI)

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