lundi 12 octobre 2009

Ce qui arrive


Avec le cycle Invisibles qui débute le 23 octobre prochain par l'Exil et le Royaume, j'ai voulu continuer à fouiller, avec la complicité de Nathalie Joyeux, ce terrain un peu vague entre le documentaire et le cinéma d'artiste. J'écris "entre" mais, il serait plus juste de dire "à la rencontre". Pour moi, il s'agit d'un point où deux histoires se rencontrent.
Celle du documentaire, dont je ne suis pas spécialiste, je l'ai d'abord approché au travers de collaboration et de longues discussions avec Jean-Michel Cretin (qui dirige aujourd'hui la programmation cinéma du Théâtre de l'Espace à Besançon) et maintenant avec Nathalie Joyeux, devenue réalisatrice après un passage par la direction d'un cinéma (Le Trianon à Romainville).
De toute évidence, ce qui m'a attiré dans le documentaire (et c'est assez trivial) c'est ce potentiel rapport au réel que semble avoir totalement abandonné tout un pan du champs de l'art. La réactivation des questions ouvertes dans les décennies 60 et 70 n'est aujourd'hui à mes yeux souvent - pas toujours- que de l'ordre du simulacre, de l'esthétique de la reprise, du design (c'est-à-dire de l'enregistrement d'un signe et non d'un récit) , une perception superficielle des perspectives et de la puissance du discours de pièces qu'elle utilise comme substrat. Quand ce n'est un pas un abandon pur et simple de toute perspective politique au nom de la mort des grands récits. Il est un peu périlleux, voire inélégant, de prononcer le terme politique dans bien des contextes de diffusion artistique aujourd'hui. Nous dirons donc non plus politique mais "ce qui arrive". Et c'est bien la présence de "ce qui arrive" dans le documentaire qui m'a attiré. Cependant, ce qui arrive ne se déroule pas uniquement dans la vie mais aussi dans les images, dans un moment de l'image qui nous oblige dans le même mouvement à interroger ce que nous percevons et la manière dont nous en faisons récit. A cet endroit, le documentaire m'a souvent déçu, empêtré justement dans ce que le réel semble nous dire, recherchant une illusoire vérité et incapable de dire un réel nouveau, alternatif. Une autre version de l'histoire, une autre manière de parler le / du réel. Car l'enjeu est évidemment dans le langage, qu'il soit composé d'une séquence d'images ou d'un texte, d'une voix. C'est la capacité à inventer un langage propre, à dégager le langage de la gangue publicitaire (qui a déjà consumé le champs de la politique à défaut du politique tout entier)
Aussi, de l'autre côté de ce croisement, il y a ce cinéma qui n'a pas de nom et qu'on dira cinéma d'artiste ou vidéo d'artiste. Ce cinéma, que je connais mieux que le documentaire n'en est pas un à proprement parler. Au sens, qu'il a éliminé le dispositif du cinéma (le rendez-vous, les fauteuils rouges et probablement une part de l'érotisme cher à Godard - en somme sa tautologie de lieu-art) pour explorer d'autres horizons tant dans la manière de montrer les images que de considérer leurs statuts. Pour le programme Invisibles, c'est un endroit singulier de ce champs que je souhaitais mettre en regard avec le documentaire, celui des artistes qui travaille le récit. Récit, au sens large, car ici la forme est probablement plus lâche, fragmentée. Un récit où il reste de la place pour celui qui regarde et "se fait" une histoire.

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