mercredi 12 octobre 2011
Journal fantôme des colonies 1
En haut : Image extraite du film de Vita Nova de Vincent Meessen.
En bas : Vincent Meessen et Corinne Diserens discutent en public à l'espace Khiasma le samedi 8 octobre 2011 au cœur
de l'exposition My Last Life. © Matthieu Gauchet
Avec l'exposition My Last Life de Vincent Meessen et le programme Hantologie des colonies nous ouvrons la saison Les Empires Intérieurs. Il faut bien le dire, il s'agit là d'une saison assez spéculative où le programme n'est pas tant le reflet d'une Histoire en ordre, d'un discours éprouvé, mais bien une forme d'investigation, une enquête. Point de vérités donc mais, des œuvres qui distillent des questions irrésolues. Un programme où l'on avance à tâtons à la recherche des bonnes questions – à défaut de réponses. La pression politique est forte en cette période électorale et la tentation n'est pas moins grande de se jeter dans un débat identitaire, qui nous assignent dans des positions déjà écrites.
Il s'agirait, ici, de tenter plutôt de donner vie à de nouvelles approches qui remettent les dimensions sensibles au cœur de notre appréhension d'une histoire commune. Les artistes seraient ainsi nos guides ; des « guides ignorants ». Comment revenir au moment colonial sans repasser par les schémas des cultural studies, les outils des seuls historiens, les prismes déformants des joutes politiques et les pamphlets morbides des intellectuels de cours? Comment redistribuer dans le présent ce qui nous hante sans en appeler à des polarisations, qui empêchent d'éprouver les nécessaires contradictions de ce qui nous lie à l'autre. Comment remettre en circulation les histoires ? Hantologie des colonies nous offre l'occasion de chercher ensemble une manière de mettre en dialogue les strates multiples de notre société, dont certaines reviennent à nous sous les traits de fantômes. Histoires sciemment enfouies par les puissants, mais aussi images latentes, figures qui travaillent secrètement en nous, qui nous fondent et nous troublent. Ce n'est pas le moindre des paradoxes que de convoquer un cycle de films pour débusquer des formes invisibles. Comme l'annonce le Vita Nova de Vincent Meessen, le film n'est pas ici l'endroit des certitudes ni quant à son sujet encore moins quant à sa forme. Dans ce cycle, il devient un dispositif sans cesse perturbé dans son effet de réalité, inconfortable, un véhicule accidenté. Comme un outil qui chercherait sans cesse son juste réglage pour faire apparaître en creux, ce qu'il ne peut montrer sous peine, en la réifiant, de perdre toute l'essence fantastique d'une apparition fugace. Débattre autour d'un film devient alors l'exercice d'une communauté éphémère, un peu à l'image de celle que met en scène Wendelien Von Olderborgh dans Mauris Script (10 octobre aux Laboratoires d'Aubervilliers), une ébauche de société sans autre certitude ni richesse que des histoires enfin prononcées, libérées, mises en circulation et ainsi disponibles à toutes les hybridations.
Tout au long de ce cycle, au travers de quelques notes, je me fais le témoin subjectif de ces débats mais aussi le spectateur attentif de films à venir. Ce sera le journal fantôme des colonies.
Olivier Marboeuf
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