mercredi 28 avril 2010

De Lecture(s) de bouche(s) à Intégration(s)


"Si on prononce vraiment un mot, on dit le monde, on dit tous les mots. Si on essaye de faire corps avec le mot alors on fait corps avec le monde."
Ghérasim Luca

Empruntant à la poésie et aux Cubomanies de Ghérasim Luca, Lecture(s) de bouche(s) a été créé avec deux ateliers en direction de personnes en insertion, à l’association Emmaüs (atelier de base FLE, Paris 11ème) et à Mosaïques (Romainville, 93), initié en 2007-2008. Il a été notamment élaboré lors de la résidence de Patrick Fontana à Khiasma de 2007 à 2009.

Il fait l'objet d'une diffusion sur Radio Campus, à écouter ici : « Il se passe quelque chose ! ».

Lecture(s) de bouche(s) est la poursuite un travail d'enregistrement de cinq poèmes de Ghérasim LUCA, extraits de Paralipomènes et de Héros-Limite, avec les stagiaires de l'AERI (Ateliers-Expérience-Redynamisation-Insertion), institution en charge de personnes en difficulté à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Patrick Fontana y a animé un atelier de lectures enregistrées de 2001 à 2005. Certains des poèmes enregistrés avec un groupe de stagiaires ont été diffusés par la suite dans l'émission Une Vie, une Oeuvre, Ghérasim Luca, France Culture 2005. Vous pouvez les écouter ici :
D'audiant à voyant : lu par Laurent MAISNIER, Hayette BOUHEDJAR, Rachida BEN ABDELHAMID, Daniel Bazani KISENDA
La fin du monde : lu par : Mariame TRAORE, Hayette BOUHEDJAR, Rachida BEN ABDELHAMID, Jamila LAHLOU, Daniel Bazani KISENDA, Bernard GLADONE, Laurent MAISNIER, Slobodanka NIKOLIC, Victor MANTILLA, Dienam KONATE, Corinne PLANES, Rachid DERROUCHE, Pascal NAIT MERABET, Aziza LE GUILLOU, Marie-Thérèse YAO, Marzouk KOURICHE, Abdelkader MASSART, Frédéric HOUSSET.
La parole : lu par Mariame TRAORE, Rachid DERROUCHE, Frédéric HOUSSET, Jamila LAHLOU, Pascal NAIT MERABET
Les cris vains : lu par : Daniel Bazani KISENDA, Laurent MAISNIER, Hayette BOUHEDJAR, Rachida BEN ABDELHAMID
Les rêves en action : lu par Victor MANTILLA, Marie-Thérèse YAO, Aziza LE GUILLOU, Marzouk KOURICHE
Qui voyez-vous ? : lu par : Mariame TRAORE, Abdelkader MASSART


Cet atelier devait fonctionner une année (2008/2009) pour la création de la vidéo-performance Lecture(s) de Bouche(s) autour de la poésie de Ghérasim Luca, et plus particulièrement de son ouvrage La Proie s'ombre. Il dure depuis trois ans à Emmaüs. Pour 2009-2010, les auteurs abordés sont Baudelaire, Ghérasim Luca, Cesare Pavese, Andrei Tarkovski (Le Sacrifice), Dany Laferrière (L'énigme du retour, prix Medicis 2009), Beckett, Racine, Prévert...
La pratique de la poésie sonore est un outil pour changer de rapport à la langue, sortir de la fonctionnalité privilégiée dans les enseignement du F.L.E. (Français Langue Etrangère). Le projet prend pleinement en compte le statut de primo-arrivant des participants. Malgré les réticences rencontrées quant à l'utilisation de la poésie pour l'apprentissage de la langue, le projet Intégration(s) est né. Il fera l'objet d'une nouvelle installation sonore et vidéo de Patrick Fontana.


L'atelier utilise un dispositif d'enregistrements sonores pour travailler ces lectures. L'écriture devient sonore.
Un blog a été ouvert pour suivre l'avancée du projet :
http://cahiers-emmaus.blogspot.com/

Patrick Fontana viendra parler d'Intégration(s) le 25 mai à Khiasma, lors de la soirée Encore ! n°3 : Travailler la langue, inventer la parole

To shoot an elephant et après ?



Dans le cadre du programme Hors-les-murs du festival Cinéma du réel, Khiasma a projeté le film « To shoot an elephant » d’Alberto Arce et Mohamed Rujailah.
Film choc sur les bombardements de Gaza vus de l’intérieur. Radical, militant, les images d’Arce travaillent au plus près de la violence, quitte à choquer par l’exposition la plus crue de la mort en direct. Ce document est-il un film ou un simple un pamphlet ? Comment témoigner de la violence inouïe d’une situation ? Quelle forme pour un cinéma de l’urgence ? Les réactions sont partagées.
Donnez votre avis sur une séquence ou le film lui-même. (film visible en ligne en français ici)

samedi 24 avril 2010

Avec ou sans Game 1




On n’imagine pas l’écriture de Jérôme Game sans Jérôme Game lui-même. Elle existe en livre, elle est espacée sur des pages blanches, assez polie, sage. Mais les éditeurs successifs ( Al Dante, Éditions de l'Attente) n'oublient pas de glisser un disque à la fin de l'ouvrage. C’est que Jérôme Game est un écrivain sonore. C’est par là qu’on découvre la chose, par le son particulier que cela fait. Pas uniquement le timbre de la voix, feutrée, étonnamment paisible, mais par les sautes de son. On croit à un disque abîmé ou à un jeu sur le volume de la bande. Quelqu’un s’est excité sur le bouton de la table de mixage. On imagine une espèce de DJ sans trop y croire. Ou un type avec des ciseaux, plus probable, quelque chose plutôt Vieille Europe que Detroit spirit. C’est que ça cut, ça cut un peu partout, aux endroits qu’on attend pas, entre les lettres et même dans les lettres, ça incise les consonnes, ça va jusqu’au bruit de la consonne ouverte, un peu après le milieu, c’est le froissement du mot qui ne finit pas, ou finit quelque part mais pas dans la voix, finit mais pas ici, finit autre part, dans l’esprit. La lecture de Game impressionne en direct. Elle coupe avec précision, repart en décompressant, troue, saute, imagine le bruit d'un carambolage des lettres, le son d'un blanc. On suit sur une route accidentée quelque chose qui se raconte, des lieux déjà et des impressions de lieux. On note tout de suite qu’il s’agit de points de vue, que tout est dans le point de vue, que la scène est vue de quelque part et qu’elle est redonnée quelque part, en morceaux, et que la scène ce peut-être le corps aussi, ce peut-être la circulation des flux dans le corps, que la scène c’est le sang dans les artères aussi, les sécrétions, que ça bouge dans cette scène, que ça salive et que la scène c’est aussi la langue.

Pour Relectures 9, le festival de Khiasma, Jérôme Game est venu lire Flip Book et quelques autres textes autour. La mécanique Game est ici plus souple, presque fluide, limpide. Ça va comme un travelling, ça glisse dans du cinéma, c’est huilé. C’est du film, du film de cinéma. C’est comment le regard suit un plan, c’est toujours l’histoire du point de vue qui fait semblant de regarder là où le plan nous mène, nous fait glisser, mais qui accroche des détails, qui regarde à l’intérieur, plus profond pour voir le détail de la couleur des sièges, leur matière, le sentiment de froid sur la nuque. C’est la recherche de comment cela fait en vrai d’être dans l’image. C’est la langue qui parle à l’oreille mais une oreille perdue dans l’herbe, dans Blue Velvet, et après, on a l’impression que c’est juste après mais c’est plus tard, on arrive à Lost Highway, et on le sait dès le départ qu’on va en arriver là, même si on fait des détours, sur un skate avec Larry Clarke, qu’on passe par les corps de Van Sant, de Claire Denis et les peep show d’Haneke, on sait que ça joue beaucoup sur l’histoire de la voiture qui glisse dans le paysage l’histoire de Jérôme Game. Que c’est la matrice. L’avion aussi. Le skate, c’est pareil. C’est l’histoire de mécaniques qui produisent des points de vue et le corps là-dedans qui est transporté. Le corps qui se cale, qui essaye de trouver sa place dans un coin un peu obscur, qui veut la sentir la chaleur, qui veut être dedans. On se dit que voilà, ça roule, on est sur les rails.

Mais après, ça recommence à se dérégler, ça coupe. C'est plus ample, ça coupe plus large cette fois-ci, dans la syntaxe, la jointure des phrases. ça disparaît dans des micro-fissures, des crashs. Ça met des images vides subliminales sur la bande. Ça dérape. Comme dans l’Amérique de Lynch, Amérique éternellement fifties qui perd son vernis, recrache sa part obscure. Ça se passe la nuit, c’est le passage de l’autre côté des choses, et c’est ce plan qu’on ne peut pas oublier de Lost Highway, ce couloir obscur, ce noir presque parfait qu’il faut traverser pour retrouver une femme invisible dans la chambre sur le lit, ça ne dure que quelque secondes et c’est le plus grand film jamais réalisé, pas le film entier mais ce moment précis où on est presque dans le noir complet, dans un noir incroyablement intense. Mais c’est trop tard on a traversé, on sait qu’on ne la trouvera pas, qu’on trouvera une autre créature. Même si cette scène n'y est pas -dans Flip Book- elle est dans la langue de Game, l'endroit où se perdent des choses, où on n'y voit plus rien qu'une sensation de présence, une persistance rétinienne. L'auteur préfère s'attarder sur des scènes où ça tend, où le corps envahit le plan, où Patricia est à genoux, Harvey s'enfonce l'aiguille avant cette danse inoubliable, où Gena fait tout de manière si différente qu'on se dit qu'elle termine définitivement une histoire du geste, que personne après elle ne pourra plus faire ça comme ça. On se rend compte qu'il les appelle par leur vrai prénom, pas celui du film, le vrai qu'on pense être le leur dans la vie. On avait pas remarqué que ça débordait là aussi, qu'on n'était plus dans l'histoire du personnage, qu'on était dans la chair en vrai.

Plus qu’un prétexte – traverser les plans de films aimés- Flip Book est peut-être la version étendue de la langue de Game, où se déploient ses propres plans, les déplacements de son regard dans l’espace, le jeu des points de vue, le goût du mouvement mécanique, de l’industriel dans lequel le corps pose ses impuretés et la langue imprime ses pulsions.

Voir un extrait de la lecture de Jérôme Game lors de Relectures 9 à Khiasma le jeudi 8 avril 2010 > ici

Flip Book a été écrit en résidence au Triangle à Rennes en 2006 et a été publié en 2007 par le Triangle et les Editions de l’Attente.

vendredi 23 avril 2010

Relectures 9 J6 - Un musée (de théâtre)





Pour clôturer cette neuvième édition du festival Relectures 9, consacré aux écritures contemporaines, nous avons choisi d'inviter le musée (de théâtre) de la Communauté inavouable. Cette installation participative invitait les visiteurs à composer leur portrait d'images et de mots à partir d'un catalogue d'images du XXème siècle à nos jours et de mots extraits de la pièce disposés à même le sol. Entre poétique et politique, près de 250 visiteurs se sont succédés dans l'espace Khiasma pour créer de manière ludique leurs propres messages.

Retrouvez sur le site de Khiasma un extrait vidéo de ce week-end sur le site de Khiasma.

Les photos des éditions précédentes du musée (de theâtre) ICI.


photos : Ema Cima - La Communauté inavouable / Clyde Chabot

Relectures 9 J5 - Ecoutes, Slam

D'abord, une série de diffusions sonores : "Des voix dans la ville". Des voix qui interrogent, des voix qui bêlent, des voix qui content ou vous donnent des recettes de cuisine. Deux heures d'écoute pour une plongée dans cet urbain changeant et insaisissable.
Après, des voix simples, des présences pleines d'énergie, de joie et de peurs pour une scène slam animée par l'association lilasienne Slam Ô Féminin : Tata Milouda, Marie ou Jacques se sont offerts par quelques mots.

Retrouvez un extrait vidéo de cette soirée sur le site de Khiasma.

mercredi 21 avril 2010

Relectures 9 J4 - Guitar Poetry Tour


Panorama de la poésie contemporaine pour cette quatrième soirée, avec pour débuter une conférence/discussion du passionné et passionnant Jean-Michel Espitallier, sur les principaux défricheurs, figures et œuvres marquantes de cette discipline. Il nous a également lu quelques unes de ses propres créations.


Anne-James Chaton, figure majeure de la poésie sonore, a présenté des extraits de son prochain livre à paraître aux éditions Al Dante : Vie d’hommes illustres d’après les écrits d’hommes illustres. Les vies de Tibère (d’après Suétone) et Christophe Collomb (d'après Jules Verne) sont résumées, l'une par ses actes, l'autre par ses différentes positions géographiques, dans un flot robotique et implacable.
Même façon de dire le texte, mais autre source avec ses autoportraits, dans lesquels l'artiste retranscrit tous les différents éléments d’informations numériques ou textuels qu'il a rencontré dans son quotidien, tels que factures, tickets de métro, paquets de cigarettes ou encore ticket de carte de crédit. Par cette accumulation, nous réalisons n'existons que par ces traces de nos actes quotidiens ; c'est-à-dire que nous n'existons presque plus. C'est un prolongement de ses collaborations avec l'artiste berlinois protéiforme alva noto (de son vrai nom Carsten Nicolaï) et le DJ/producteur britannique Andy Moor. Un extrait vidéo de son travail avec alva noto :



Fred Griot mène depuis longtemps une recherche littéraire et poétique avec une prose courte, une langue qu'il travaille comme une matière organique, terrestre, rustre comme il aime à la définir : c'est ce qu'il appelle la pâte-lang (voir son site parl#). Depuis quelques temps il s'exerce au son et à la scène, comme aspects plus physiques du texte, en collaboration avec notamment le guitariste Yann Féry, qui l'accompagnait pour cette soirée de Relectures 9. Ils présentaient le fruit d'une résidence à Banlieues Bleues, un set mêlant textes âpres et guitare triturée, pour "de la poésie de bête associée à l'énergie rock".

Vous pouvez trouver un extrait vidéo de cette soirée sur le site de khiasma.

photos : Sylvain Victor

vendredi 9 avril 2010

Relectures 9 J3 - Soirée "Mutations des récits"

Pour cette troisième soirée du festival Relectures, Khiasma a voulu mettre en regard des écritures traversées par l'image et le montage et un film documentaire particulier, pour illustrer les "mutations urbaines" qui boulversent les formes du récit contemporain.




Retrouvez un extrait vidéo de cette soirée sur le site de Khiasma.

Relectures 9 J2 - L'encyclopédie de la parole

Qu'y a t-il de commun entre de la poésie sonore, des dialogues de film, des commentaires sportifs, une conférence philosophique, du rap, un message de répondeur, des jeux télévisés, des sermons religieux, des dessins animés, une publicité ?
Mercredi 7 avril, deuxième journée du festival Relectures 9, l'Espace Khiasma accueillait le projet protéiforme qu'est l'Encyclopédie de la parole. Avec une conférence performée, une création sonore ou la découverte ludique d'extraits divers, ses membres nous ont révélés que "nous sommes tous des experts de la parole".




Retrouvez un extrait vidéo de cette soirée sur le site de Khiasma.

jeudi 8 avril 2010

Relectures 9 J1 - Cie Lumière d'août

En ouverture de la 9ème édition du festival RELECTURES, Khiasma a ouvert son Espace à la Cie Lumière d'août. C'est une nouvelle étape dans la collaboration des deux structures dans leur volonté d'explorer les domaines liés à la poésie sonore, à l'acte oral, aux liens entre parole et arts plastiques.


Au sein de la Di-Vi-Si-On-Li-Re, Nicolas Richard, Alexis Fichet et Bérangère Lebâcle travaillent avec les outils du théâtre des textes qui sont d'abord organisés visuellement sur l'espace de la page et "sonorement" pour la lecture propre qu'en fait l'auteur. De Bérangère Lebâcle disant un texte de Jérôme Game avec un ficus oscillant sur son ventre aux listes quasi-incantatoires de Nicolas Richard dans Peloton, cette soirée du mardi 6 avril figurait bien les nouvelles formes de cette littérature vivante que Khiasma souhaite mettre en avant.
Vous pouvez retrouver un extrait vidéo des performances sur le site de Khiasma.